mardi 26 avril 2011

"La passion africaine de Abdelkader Bousselham" par hamid bousselham


De mon séjour de quelques années en Côte d'Ivoire, à la fin des années 70, je garde quelques-uns des souvenirs les plus agréables de ma carrière de diplomate.


C'est dans ce pays frère, en effet que j'ai pu mettre à l'œuvre, dans l'enthousiasme et dans la fraternité, les principes de solidarité et de coopération sud-sud si chers à la révolution algérienne.


J'ai eu beaucoup de chances dans l'accomplissement de ma mission. La meilleur et certainement la plus gratifiante de ces chances fut la présence à la tête de nos pays respectifs de deux hommes d'Etat remarquables à leurs égards : Boumediène en Algérie et Houphouët Boigny à Abidjan. Une autre chance, tout aussi décisive dans ces sortes d'entreprise de coopération entre les peuples fut la volonté politique de rapprochement entre pays africains qu'incarnait M .Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, et le soutien efficace de quelques frères, responsables alors de secteurs stratégiques, tels Hadj Yala au Commerce, Tayeb Larbi à l'Agriculture, Mimouna à l'OFLA ou Kahli à l'ONCV.


C'est grâce à leur aide de tous les instants et à leurs encouragements que la Côte d'Ivoire réticente,voire hostile,est devenue, en quelques années, un pays ami et fraternel, en lequel on pouvait compter dans les moments difficiles et avec lequel on a développé une coopération exemplaire à l'africaine, unique en son genre, bénéfique pour tous.


En quelques années, en effet, on a réussi ensemble à mettre au point un système de relations économiques commerciales et culturelles, très dense et très souple à la fois. La Côte d'Ivoire n'achetait rien à l'Algérie et l'Algérie n'achetait rien en Côte d'Ivoire, directement : les rares produits ivoiriens qui parvenaient jusqu'à nous nous venaient de Marseille ou de Londres, mais jamais d'Abidjan directement.
C'est pourquoi une des toutes premières décisions arrêtées en commun, dès que nous avons achevé ensemble avec les frères ivoiriens l'examen de l'état de relations commerciales, a été de ne plus recourir aux intermédiaires entre nos deux pays. Désormais nos opérateurs étaient invités à traiter directement et de donner chaque fois, la priorité,à conditions égales, aux produits respectifs de nos deux pays.
Et c'est ainsi qu'en quelques années la Côte d'Ivoire est devenue la 3e importateur de vin algérien dans le monde. En échange et sans jamais recourir au troc ni au clearing, notre pays est devenu le premier partenaire africain de La Côte d'Ivoire. La banane, le café, le cacao de la Côte d'ivoire arrivaient par bateaux entiers dans nos ports. Sans trop dispenser pratiquement puisque les recettes pour le vin couvraient en grande partie les factures de ces produits.


Et c'est le président Houphouët Boigny qui suivait personnellement les progrès de cette coopération et qui cherchait à l'étendre à d'autres domaines et tout particulièrement au matériel agricole, aux produits de la pétrochimie algérienne et au matériel de sport, trois domaines dans lesquels la jeune industrie algérienne venait tout juste de faire une entrée remarquée.


Bien évidemment une embellie de cette importance dans les relations économiques ne pouvait que faciliter une amélioration sensible dans les relations politiques, j'en fus témoin. Et il me plait aujourd'hui de rendre hommage à l'intelligence politique du président Houphouët Boigny, à son habilité et à sa loyauté en effet, sans renoncer un seul instant à l'amitié qui liait son pays à la France et aux relations d'estime qu'il entretenait personnellement avec les dirigeants français, il n'a pas hésité à défendre les point de vue de l'Algérie et des Sahraouis dans la question du Sahara occidental , discrètement, à sa manière, chaque fois qu'il considérait que les choses risquaient d'échapper à tout contrôle .



Ce fut le cas, je m'en souviens très bien, dans l'affaire de Zouerate, cette fameuse opération fulgurante de 1977, conduite par le jeune et brillant dirigeant sahraoui Mustapha Sayed qui avait réussi, en quelques jours et grâce à la rapidité de ses attaques avec des groupes de Land-Rover à disloquer complètement les lignes mauritaniennes et à mettre en déroute l'armée de MokhtarOuld Daddah.

On se rappelle, qu'au cours de l'opération, sept ressortissants français de Zouerate, ont été emmenés en lieu sûr par le Polisario. Giscard d'Estaing qui n'attendait apparemment qu'un prétexte pour intervenir directement dans le conflit, dépêcha ses Jaguars sillonner le ciel du Sahara jusqu'à nos frontières, à la recherche de ces minuscules Land-Rovers invisibles dans les immensités sahariennes. C'est grâce à des hommes comme Houphouët Boigny que le pire a été évité.


J'aimais l'écouter parler de paix, de progrès et de fraternité et j'avais un grand respect pour sa sagesse et une admiration illimitée pour sa tolérance et son hospitalité. Grâce à lui et aux autres dirigeants de son pays, la Côte d'Ivoire était un havre de paix et de concorde, ouvert à tous les Africains sans papier, sans passeport et sans aucune autorisation. Tout Africain avait droit de cité en Côte d'Ivoire, au même tire que ses propres citoyens. On pouvait y vivre, étudier, commercer ou tout simplement s'y retirer , en attendant des temps meilleurs, sans être inquiété le moins du monde .

A ce titre, je crois que la Côte d'Ivoire restera toujours, quoi qu'il arrive, la terre d'asile africaine la plus généreuse et la plus hospitalière.



Abdelkader Bousselham

Aucun commentaire: